Ce qui est vraiment triste avec Tucson

Le plus triste dans l’histoire de la fusillade survenue à Tucson, dans l’État de l’Arizona, n’est pas le fait que le tueur ait tué une fillette de 9 ans et cinq autres personnes. Ni le fait qu’il ait blessé gravement la représentante au Congrès Gabrielle Giffords. Le plus triste dans tout ça, c’est que rien ne va changer aux États-Unis malgré ce tragique événement. Les armes seront aussi facilement accessibles. Les discours politiques resteront orientés vers la violence. Les fusillades continueront d’éclater.

On le sait, la montée du Tea Party oriente le débat politique vers la violence. Lorsque Sarah Palin identifie sur sa page Facebook, à l’occasion des élections de mi-mandat du 2 novembre dernier, 20 circonscriptions clés sur la carte électorale à l’aide de cibles de fusil, on a une bonne idée de ce qui peut arriver par la suite. Palin, figure de proue de ce mouvement d’extrême-droite, se dissocie complètement du geste de l’illuminé Jared Lee Loughner. On la comprend. Elle affirme qu’il est exagéré de faire des liens entre le présumé tueur et son discours politique. Je lui donne raison. Mais en même temps, c’est un peu jouer à l’autruche. On dit qu’on porte le chapeau seulement s’il nous fait? Je crois qu’il « fitte » parfaitement sur le coco de Mme Palin. Le fait qu’elle ne tente pas de calmer le jeu trahit la satisfaction qu’elle doit ressentir de voir un geste de révolte se produire.

Ne soyons pas dupes: Loughner allait clairement assassiner la représentante du Congrès. Il lui a tiré une balle dans la tête, celle-ci ne la tuant pas, la laissant plutôt inconsciente. Il a de plus tiré sur toutes les personnes se trouvant proches de Mme Giffords. Il a tiré sur une fillette de 9 ans qui, ironiquement, est née le 11 septembre 2001. Quand tu dis que la tragédie marque ta vie, dur de trouver un meilleur exemple.

Le discours de la droite américaine dépasse largement les limites du simple cri de ralliement « Aux armes, citoyens! ». Les références à la violence sont nombreuses. On s’insurge contre le rôle important du gouvernement. On s’insurge contre la réforme de la santé américaine prônée par les Démocrates. On s’insurge contre toute prise de décision qui viendrait réduire l’écart entre les riches et les pauvres. On passe proche de réclamer la guerre civile. Michele Bachmann, représentante Républicaine du Minnesota, affirme qu’elle veut que les américains mécontents soient armés et dangereux et qu’une révolution peut être une bonne chose de temps à autre.  

Le problème, c’est le fameux second amendement de la Constitution américaine, qui permet le port d’une arme pour assurer sa défense en tout temps. On estime à 200 millions le nombre d’armes en circulation aux États-Unis. Si on estime la population à 300 millions et qu’on y exclut les jeunes enfants, les adolescents, les vieillards, les prisonniers (ils sont nombreux) et les malades ou handicapés physiques, on parle presque d’une arme par Américain. L’équivalent d’une brosse à dents presque. Il est aussi facile de se procurer un fusil qu’un paquet de gomme au dépanneur. Pas de casier judiciaire? Pas de séjour en psychiatrie? Voici ton fusil. Tu veux un gros calibre? Parfait. Des munitions pour l’éternité? En voici 250 boîtes. L’Arizona est, en plus, un État très libéral à ce sujet. La tuerie de Tucson n’est ni la première, ni la dernière. Tant que le port et l’achat des armes à feu ne seront pas réglementés d’une façon plus serrée, ce genre d’événement va arriver. Si on combine le tout à des discours politiques qui tendent vers la violence, ça risque d’arriver de plus en plus.

Dans un État rempli de préjugés et de sectarisme comme l’Arizona, être un politicien ouvert d’esprit et orienté vers la gauche (Giffords était, officiellement, une centriste) est un danger. Le fait qu’elle ait été élue est surprenant et on peut comprendre que plusieurs en soit mécontent. Le Tea Party ne prévoit pas changer de discours. La loi sur les armes à feu ne changera pas. Et vous savez ce qui est le plus ironique dans tout ça? Giffords défendait ardemment le second amendement et le port d’armes. Et le plus triste? Les Américains ne changeront probablement jamais.

Voici, en complément, un texte de Marie-Claude Lortie paru sur Cyberpresse qui exprime bien la situation de la politique américaine et le rôle que Gabrielle Giffords avait dans les rangs Démocrates.

3 réponses à “Ce qui est vraiment triste avec Tucson

  1. Il s’agit d’une réflexion intéressante avec des idées claires et bien organisées. Mais, je garde un petit espoir; il y a 50 états aux États-Unis et plusieurs courants d’idées. Il est difficile de prévoir la suite. C’est tout de même une démocratie.

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